Coopérative NORANDINO

L’association de producteurs de café, créée en 1995 avec 200 membres, compte 7 000 familles de la Sierra de Piura, la partie de la cordillère des Andes située à l’extrême nord du Pérou. Cette région de montagne défavorisée est marquée par une forte densité de population. Considérée comme moins productive que la plaine côtière, elle est oubliée par les politiques publiques. Les routes, les écoles et infrastructures de santé y sont largement insuffisantes. La pauvreté des agriculteurs de la région conduit à un important exode rural vers les grandes villes et le front pionnier amazonien.

Magnifique vue

NORANDINO est devenu un véritable mouvement paysan qui s’est appuyé sur le commerce équitable et le soutien d’ETHIQUABLE depuis 2003 pour étendre ses bases et construire son modèle alternatif.
Elle a su démontrer la viabilité de ses choix : l’agriculture agro-écologique et l’organisation sociale. L’organisation a aujourd’hui un véritable poids économique dans la région. Elle est en capacité de négocier avec l’Etat et les collectivités locales en faveur de nombreux projets de développement.

Depuis sa création, NORANDINO a soutenu de nombreuses initiatives paysannes dans des régions voisines, notamment avec une aide pour accéder aux marchés internationaux.

Partenaire depuis 2003


En 2003, CEPICAFE regroupait 200 membres. Aujourd’hui, plus de 7 000 producteurs s’y sont associés sous le nom de NORANDINO :

  • 2500 familles de producteurs de café de CEPICAFE
  • 1200 familles de producteurs de café de Sol y Café
  • 1500 familles de Cenfrocafé
  • 555 familles de producteurs de cacao de CEPROAA et ARPROCAT

Agriculture paysanne


  • Région de Piura, zone de production qui s’étend de la côte Pacifique vers les massifs andins
  • Cultures associées : café, cacao, canne à sucre et fruits + culture vivrières (haricots, maïs, etc.) + élevage
  • Ce projet est suivi par Edison Ramos, agronome ETHIQUABLE, basé au Pérou,

Plus de 7000 producteurs

Les premiers partenaires sont des organisations de la région du NOR ORIENTE. Les producteurs de cette région produisent près de 50% du café péruvien et ont subi le chaos économique qui a frappé le Pérou dans les années 1980 et 1990.

D’autres, comme CENFROCAFE et SOL y CAFE, sont dirigées par une jeune génération et se sont rapprochées de NORANDINO avec la volonté de reconstruire un nouveau modèle d’organisations plus démocratiques avec une plus grande participation des bases.

NORANDINO a également opéré une diversification de sa production : café, canne à sucre, fruits et cacao.

Spécialisée dans la culture du café, la coopérative s’est développée et commercialise d’autres produits, afin de limiter les risques financiers et productifs de la monoculture. Elle valorise aussi deux autres cultures traditionnelles de la zone : la canne à sucre pour la fabrication de sucre complet (panela) et les fruits, avec notamment un projet de transformation sur place des fruits en confitures

NORANDINO est peu à peu devenu une véritable entreprise d’exportation sans jamais perdre de vue sa vocation de soutien à l’agriculture paysanne.

L’INITIATIVE D’UNE NOUVELLE GÉNÉRATION DE LEADERS PAYSANS

NORANDINO a la particularité d’être restée très proche des bases villageoises bien que l’organisation soit aujourd’hui très étendue. Les décisions et les orientations sont toujours prises par des élus de la base très impliqués et particulièrement actifs.

La complexité des opérations de la coopérative ont exigé le recrutement de comptables, agronomes, responsables du contrôle de qualité ou opérateurs des unités de transformation agro-alimentaires. Ils ont tous une particularité : ils sont originaires des régions rurales de production et sont en général des enfants des producteurs. Ils ne sont pas seulement salariés de la coopérative, mais sont aussi au service d’une société rurale à laquelle ils appartiennent.

Les personnes qui rendent visite à NORANDINO sont en général frappées par cette spécificité qui se ressent au quotidien : les dépenses sont toujours mesurées, les décisions donnent lieu à de longues concertations et les salariés ne prennent jamais le pas sur les élus.

Cette spécificité de NORANDINO provient de son histoire.

L’organisation est à l’initiative d’un groupe de jeunes de la région de Santo Domingo, appartenant à cette première génération de fils de producteurs de café ayant pu, à raison de grands sacrifices, accéder à l’Université et devenir agronomes ou économistes au début des années 90.

Il y a d’abord deux frères, César et Santiago PAZ, tous deux agronomes. Santiago est aujourd’hui le gérant de l’organisation. César est devenu le représentant d’AVSF au Pérou. Puis d’autres, comme José Rojas l’actuel directeur de CEPICAFE,  Martin Martinez responsable de qualité ou encore Yeny Robledo chargée de l’atelier sucre complet.

Ces jeunes professionnels se sont appuyés sur les leaders des premières organisations paysannes de la région (les rondas campesinas formées pour protéger les villages durant les années noirs du sentier lumineux) comme Sergio Neira, Segundo Guerrero et bien d ‘autres.

UNE ORGANISATION PAYSANNE DES ANDES SOUMISE AU CONTRÔLE SOCIAL DES COMMUNAUTÉS

L’organisation s’est ainsi construite suite à des années de travail, de discussion et réflexion avec les communautés. Le fonctionnement de NORANDINO repose sur des organisations de base insérées dans les structures traditionnelles communautaires. Elles sont composées de 20 à 40 familles d’une même communauté.

Chaque groupe réalise la collecte et le contrôle de qualité du café ou gère l’unité de transformation de la canne à sucre (12 groupes possèdent une infrastructure). Ils ont une vie associative autonome et possèdent des fonds propres et peuvent décider de prélever un pourcentage sur la vente du café et du sucre pour financer leurs activités (entretien machines, nouveaux investissements, déplacements pour participer aux réunions centrales, etc.).

Le Conseil d’Administration de NORANDINO gère l’organisation au quotidien, mais les décisions importantes sont toujours soumises à ces organisations de base.

En réalité, le moteur de la démocratie de NORANDINO repose sur les puissants mécanismes de contrôle social des communautés andines.

 

NORANDINO, UNE ORGANISATION RECONNUE AU NIVEAU LOCAL, NATIONAL ET INTERNATIONAL

Le travail de NORANDINO et ses capacités commerciales et d’exportation font la fierté des caféiculteurs des Andes septentrionales du Pérou, longtemps considérés comme des paysans arriérés par les élites de la côte.

C’est également une organisation structurée et démocratique. Le système de représentation et l’organisation interne est fédératif : les groupes de base sont fédérés par zones, puis les zones sont représentées au Comité de Direction. La formation repose sur l’échange entre groupes paysans, favorisant l’horizontalité des relations. La prise de décisions, le contrôle des processus sont décentralisés. La confiance est un élément fort entre les élus, les associés et les équipes techniques. Comme nous l’avons précisé, bon nombre des techniciens locaux sont des fils de producteurs formés à l’Université.

Depuis 2003, NORANDINO est parvenue à générer des changements substantiels dans les modes de production et les modes de vie de la région. L’initiative partie d’un groupe de leaders privilégiés a réussi à entraîner tous les producteurs locaux en quelques années, dans un pays marqué par les politiques de réajustement structurel, la libéralisation économique et l’absence de politiques à faveur de l’agriculture paysanne.

Les résultats obtenus par NORANDINO ont construit sa légitimité.

A l’échelle localeles Municipalités de la région de Piura appuient le projet en mettant à disposition des techniciens et ont souvent contribué pour cofinancer des infrastructures de séchage, des projets d’infrastructure routière, réhabilitation de systèmes d’irrigation. Plusieurs unités de fabrication de sucre complet ont été impulsées par des financements des collectivités locales.

A l’échelle nationale, NORANDINO siège à la Junte du Café qui réunit les coopératives et au Conseil National du Café où sont représentés les organisations paysannes, les entreprises privées de la filière et l’Etat. Au travers de ces espaces, NORANDINO milite pour l’agriculture paysanne, même si jusqu’à présent les propositions de la Junte ont été peu prises en compte. L’Etat reste souvent plus attentif aux revendications des grands groupes privés. Ce syndicat a cependant obtenu le maintien de certaines exonérations fiscales pour les petits producteurs.

A l’échelle plus globale, NORANDINO mène également une action politique pour faire valoir le point de vue des petits producteurs et promouvoir leur vision d’une économie sociale et solidaire au service de l’agriculture paysanne. Cette action s’est traduite par le soutien à la candidature de Marisol Espinoza, élue députée en 2006, aujourd’hui en charge de la Vice-présidence de la République du Pérou.

Avec d’autres organisations, NORANDINO a également été très active dans la création de l’association de tous les producteurs équitables du Pérou, la Coordinadora Nacional de Comercio Justo. Son but est de faire respecter les principes fondamentaux du commerce équitable. Un élu de NORANDINO occupe actuellement la présidence de ce réseau qui s’est fortement positionné contre la certification de l’entreprise exportatrice No 1 du Pérou, comme opérateur du commerce équitable. En effet, l’action de cette entreprise est considérée comme étant en contradiction avec le travail d’organisation des producteurs. 

LE CAFÉ : LE MOTEUR DE NORANDINO

Lorsque NORANDINO s’est constitué au début des années 90, la Sierra de Piura était une région appauvrie et délaissée par l’Etat. En raison d’une forte densité de population, les familles paysannes étaient des minifundistas qui disposaient de trop peu de terre : 0,5 à 2 hectares, parfois un plus jusqu’à 5 hectares.

Le système de production très diversifié reposait d’une part sur une agriculture de subsistance (pomme de terre, haricot, bananes plantains, maïs, fruits..) et d’autre part sur le café, production dont l’objectif est d’obtenir un revenu monétaire. 

Lorsqu’ils disposent d’une parcelle assez grande pour produire du fourrage, et surtout quand ils parviennent à réunir un capital suffisant, les paysans élèvent un, deux ou trois bovins. Lait et fromage complètent alors le revenu familial. Lorsque la parcelle était trop réduite, les hommes et les femmes allaient travailler comme journaliers dans d’autres exploitations ou migraient en saison creuse vers les villes pour plusieurs semaines.

Face à la faible productivité de l’agriculture, les jeunes avaient pour unique perspective la migration vers les villes ou vers le front pionnier amazonien. 

Les  plantations de café étaient vieilles et peu productives. La région produisait alors un café de médiocre qualité, simplement séché au soleil, ni fermenté, ni lavé, soit un café destiné au marché de masse peu rémunérateur. La collecte s’effectuait par un réseau de collecteurs (les coyotes) travaillant pour le compte de grossistes régionaux qui n’étaient pas en capacité de s’inscrire dans des dynamiques de qualité et de pénétrer des marchés de rémunérateurs. Ces conditions défavorables d’accès au marché n’incitaient pas les producteurs à miser du temps et de l’argent pour améliorer la production de café et sa qualité.

Les filières de café équitable et bio mises en place par NORANDINO dès 1995 permettent d’offrir un surprix significatif aux agriculteurs. Lorsque les prix du marché étaient très fluctuants après la rupture des accords en 1989, puis durant l’effondrement sans précédent des prix à partir de 2001 jusqu’à 2005, NORANDINO était en mesure de payer des prix supérieurs au marché local, cela malgré seulement 30% des volumes vendus dans le commerce équitable.

A partir de 2005, la proportion des ventes en équitable monte progressivement, pour atteindre aujourd’hui quasi 100% du volume collecté.

Lorsque les prix du marché sont très élevés comme ce fut le cas en 2011, la coopérative parvient quand même à payer environ 20% de plus que le marché local. Mais lorsque les prix s’effondrent en dessous du prix minimum garanti par le commerce équitable (depuis début 2013), la différence avec les collecteurs locaux montent jusqu’à 30%.

Cette meilleure rémunération incite les producteurs à investir plus de travail dans leur plantation. Avec l’appui des techniciens de la coopérative c’est le système de production des paysans de toute une région qui va connaître une transformation radicale en moins de 10 ans. Les paysans vont renouveler leurs plantations en installant eux-mêmes leurs pépinières, avec une densité de 4000 à 6000 caféiers par hectare alors que les parcelles d’autrefois en contenaient au maximum 1500 par hectare.

L’entretien des arbres d’ombrage, la confection de compost, la réalisation de désherbage et de taille des caféiers sont des techniques nouvelles qui demandent plus de travail mais permettent des récoltes beaucoup plus abondantes. Les rendements qui ne dépassaient pas 200 kg de café vert par hectare dans l’ancien système atteignent désormais 500 kg / hectare, voire même 1000 kg /ha.

Dans la Sierra de Piura, l’impact est tel que la totalité du café est collecté par les coopératives. La quasi totalité des producteurs de la région a effectué cette révolution productive.

Comme dans d’autres régions caféières concernées par le commerce équitable, le système de transformation post-récolte a été totalement modifié. La récolte rapide et indiscriminée des grains de café et le séchage au soleil à même la terre ont laissé la place à une transformation par voie humide qui permet de valoriser les qualités intrinsèques de ces cafés arabica d’altitude.

Pour cela, chaque producteur doit se plier à des règles strictes : cueillette sélective des cerises rouges, dépulpage soigné des cerises, fermentation et lavage et enfin séchage sur des claies de bambou ou des aires bétonnées. Ces nouvelles techniques demandent plus de travail mais sont nécessaires pour obtenir une haute qualité et finalement un prix de vente plus élevé. 

Dans les 10 premières années, l’accroissement des revenus des familles a été réel. 

Les études d’impact en 2006 mettent en évidence des revenus multipliés par 2,5 entre 1997 et 2006 pour un échantillon de familles analysées.

Cette amélioration est apportée autant par des meilleurs prix que par un accroissement des rendements. Les études de cas montrent que de nouvelles dynamiques productives s’enclenchent car les producteurs ont de nouvelles capacités d’investissement notamment dans l’élevage, mais aussi dans l’amélioration de leur maison.

Globalement, on constate qu’après 20 ans de travail de NORANDINO, la qualité de vie des producteurs s’est améliorée. Le véritable changement en profondeur concerne la scolarisation et la formation des jeunes, dans lesquels les familles ont investies en priorité au cours de cette période.