Pourquoi vous ne verrez jamais ce label sur nos produits?

Fairtrade sourcing ingredient

Qu’est ce que ce label FSI?

Des couleurs légèrement différentes pour des exigences bien moindres

Ce label est présenté comme un assouplissement important du cahier des charges de Fairtrade pour augmenter les débouchés. Il vise à séduire les multinationales. Pour trouver de nouveaux débouchés, Fairtrade au niveau mondial a donc décidé de modifier une règle d’or de son système de labellisation : le « tout ce qui peut être équitable doit être équitable » n’est plus de mise avec le nouveau label. Concrètement, une tablette de chocolat aux noix de cajou labellisée Fairtrade doit obligatoirement contenir du cacao, du sucre et de la noix de cajou équitables. Le FSI remet en cause une règle, jusque-là, d’or en ouvrant la possibilité de n’avoir qu’un seul de ces ingrédients équitables.
Si l’on prend l’exemple d’une célèbre barre chocolatée qui contient un % très faible de cacao, seul le cacao pourrait être équitable et non le sucre qui en est pourtant l’ingrédient majoritaire.
Dans ce cas, le produit porte un logo un peu différent du logo Max Havelaar actuel, avec des couleurs légèrement modifiées et l’inscription du « l’ingrédient » concerné .
De quoi perdre les consommateurs puisque le dessin du nouveau label est très proche de « l’ancien ».
A noter que le débat a été vif au sein de Fairtrade puisque la CLAC, le réseau de producteurs latino-américain qui représente plus de 300 coopératives de petits producteurs et réalise plus de 60 % des ventes Fairtrade dans le monde, a voté contre la proposition.

A gauche, le label FSI. A droite, le label original Fairtrade.

Un label qui répond aux exigences des multinationales

Un label qui témoigne de la stratégie de Fairtrade

A première vue, le FSI pourrait apparaître comme un changement mineur dont l’objectif est de développer le commerce équitable à grande échelle. Mais la réelle portée de cette réforme drastique ne peut se comprendre que si l’on considère les évolutions du cahier des charges même de Fairtrade au cours des dernières années. Elles nous incitent à penser à partir de notre connaissance de terrain que le FSI ne cherche pas à séduire les multinationales mais plutôt à répondre à leur demande.

Le premier élément qui peut certes étonner, concerne le prix équitable garanti par Fairtrade et notamment celui du cacao. Le prix minimum garanti du cacao (2750 $/tonne) est jugé trop bas par les producteurs de la CLAC… Le différentiel avec le prix du cacao conventionnel fixé par la bourse de New York est trop réduit.

Ce prix minimum Fairtrade est tellement bas que des importateurs achètent leur cacao équitable à un prix proche de celui du marché conventionnel. Dans la pratique, pour assurer une rémunération décente aux petits producteurs de cacao, les entreprises vraiment engagées dans le commerce équitable contractualisent des prix d’achat bien au-dessus du prix Fairtrade afin d’assurer un prix rémunérateur aux producteurs.
Pour le sucre, la situation est encore plus extrême puisque aucun prix minimum garanti n’a jamais été défini par Faitrade.

ETHIQUABLE n’achète pas de cacao équitable et bio à moins de 4 000$ depuis de nombreuses année alors que le prix Fairtrade est à 2 750$.

Pourquoi Fairtrade prend-t-il cette direction plutôt plutôt que d’imposer un commerce équitable exigeant aux grands acteurs du marché ?

En raison de la concurrence avec d’autres labels durables

Parce que le marché de la labellisation commerce équitable/développement durable connaît une forte concurrence avec notamment 2 autres labels, Utz et Rain Forest, qui se sont depuis toujours calés sur les prix des marchés conventionnels.
Les grands acteurs mettent ainsi le label Faitrade en concurrence avec les autres deux labels. Fairtrade a perdu énormément de parts de marché en raison de cette concurrence. Pour apposer son logo sur davantage de barres chocolatées, Faitrade a donc choisi de sacrifier ses prix minimum garantis.

Toutes les études réalisées montrent que le prix minimum garanti est un concept clé du commerce équitable et qu’il est la source de l’impact obtenu sur le terrain. 

En garantissant des prix stables, le commerce équitable a su maintenir des coopératives et des régions entières à flot. Ce fût notamment le cas entre 2000 et 2005 lorsque les cours du café étaient au plus bas et que les acheteurs équitables respectaient un prix minimum garanti de 50% à 100% de plus que le marché boursier. C’est de nouveau le cas aujourd’hui avec des cours internationaux du café à 110 USD/sac et un prix minimum garanti du café équitable et bio de 190 USD/sac.

Sans prix minimum garantis réellement fonctionnels, le label Fairtrade diminue considérablement l’impact du commerce équitable.

Un autre changement de règle important: le mass balance

Le mass balance autorise une traçabilité documentaire et non plus une traçabilité physique pour la fabrication du chocolat

Le mass balance permet à un transformateur d’acheter une quantité de cacao certifié et de produire l’équivalent en chocolat certifié, sans obligation d’utiliser ce cacao équitable dans les barres chocolatées qui portent pourtant le logo Fairtrade.
Autrement dit, avec une traçabilité documentaire seule, votre tablette de chocolat labellisée commerce équitable ne contient sans doute pas de cacao équitable.
Notre point de vue est que le mass balance a été mis en œuvre à la demande des entreprises multinationales du chocolat qui ont exigé cette souplesse dans leurs approvisionnements et dans la gestion des flux dans leurs usines.
Nous sommes très attachés à garantir une réelle traçabilité physique à nos consommateurs car le véritable commerce équitable exige la transparence.

Pour ETHIQUABLE, le mass balance est incompatible avec une réelle démarche de commerce équitable. Nous pratiquons donc toujours une traçabilité physique, garantissant aux consommateurs que le cacao dans nos chocolats est bien celui que nous achetons auprès des organisations de petits producteurs partenaires.

Vers un label Fairtrade de moins en moins exigeant?

C’est la crainte que nous avons avec le fléchage de la prime de développement et l’accès généralisé des plantations au commerce équitable

Normalement, la prime de développement est versée à la coopérative de producteurs, en plus du prix équitable, pour financer des projets de développement économiques ou sociaux, définis par la coopérative et validés par son assemblée générale. La coopérative décide de son investissement de façon autonome.

Le fléchage de la prime de développement vise à canaliser une partie de la prime vers la rénovation et l’amélioration des plantations de cacao. Une possibilité évoquée consiste même à créer un fonds par pays, qui serait alimenté par une portion de la prime et qui financerait des programmes d’appui à la production du cacao.

D’où vient cette proposition ?

En Côte d’Ivoire, premier producteur de cacao au monde, nous avons constaté sur le terrain que les entreprises multinationales appliquent souvent la même stratégie pour s’assurer l’accès à un volume de cacao de qualité et certifié.
Elles prennent attache avec des coopératives qu’elles appuient pour mettre en place une triple certification : Rain Forest, Utz et Fairtrade. Elles financent un programme d’assistance technique aux producteurs (techniciens, diffusion de plants de cacaoyers..).
Cet investissement fait office de prime de développement pour les labels Utz et Rain Forest, mais pas dans le système Fairtrade.

Ces grands acteurs décident de payer un peu plus sous forme de prime de développement mais ils veulent s’assurer que cette prime est bien affectée à l’investissement qu’ils souhaitent.
Ainsi, lorsque ces entreprises multinationales doivent payer une prime de développement de 200 USD/tonne en plus avec le label Fairtrade, elles ont le sentiment de devoir « payer deux fois ». On comprend donc leur demande d’adapter les modalités de la prime de développement de Fairtrade.

Le fléchage de la prime de développement remet en cause le principe d’indépendance du choix des producteurs. Il contribue également à une prise de pouvoir des acheteurs sur le commerce équitable.

L’autre crainte est l’introduction des plantations et l’extension de l’agriculture de contrat au détriment de la préférence actuelle pour les petits producteurs organisés.
Des plantations sont aujourd’hui déjà certifiées par Fairtrade pour la banane, le thé et les fleurs. Environ 1 banane équitable sur 2 provient aujourd’hui de plantations bien que les petits producteurs de banane équitable ne vendent pas la totalité de leur volume en commerce équitable.
La possibilité d’étendre l’accès des plantations à d’autres produits est en discussion depuis plusieurs années. Les producteurs d’Amérique latine y sont fermement opposés avec un motif simple : cela conduit à une concurrence déloyale avec les coopératives de petits producteurs.
Il en va de même pour l’agriculture de contrat qui permet à des entreprises de passer des contrats de collecte directement avec des producteurs sans passer par des coopératives.
Dans le domaine du cacao, il est prévisible que l’agriculture de contrat se développe davantage que les plantations car le cacao reste surtout une production de petits producteurs. Nous avons constaté que les entreprises multinationales présentes en Côte d’Ivoire nouent d’ors et déjà des relations de ce type.

L’agriculture de contrat favorise un commerce équitable sans organisations de producteurs.

Cet accroissement des organisations de producteurs s’est fait sous l’impulsion des multinationales. Les coopératives ivoiriennes nées dans les 10 dernières années restent souvent fragiles. Nous avons constaté au cours d’une mission de terrain qu’elles ont de très faibles capacités de gestion et sont totalement dépendantes des entreprises multinationales. Le risque est de voir se développer des organisations de producteurs très différentes de celles avec lesquelles collabore le commerce équitable jusqu’à présent. Ce nouveau commerce équitable permettra de collecter des volumes importants mais aura renoncé aux transformations sociales et aux changements des rapports de force que le commerce équitable appelle.

Notre préférence va au Symbole des Producteurs Paysans

D’autres entreprises majeures engagées de commerce équitable comme Equal Exchange (USA), Gepa (Allemagne) et Claro (Suisse) ont fait le même choix

Avec un système comme le label FSI, l’entreprise engagée que nous sommes, pourrait se trouver au même niveau que des marques qui ne respectent ni les mêmes conditions de prix, ni les mêmes engagements auprès des producteurs. Le risque est grand de voir les entreprises engagées de commerce équitable apporter leur caution à une démarche très éloignée de la leur.
C’est d’ailleurs pour cette raison qu’une majorité d’entre elles prennent aujourd’hui leur distance avec le label Fairtrade.
Pour nous, le choix de soutenir le Symbole des Producteurs Paysans apparaît toujours plus pertinent. Le SPP est une initiative de certification appartenant aux producteurs eux-mêmes, basée sur un système d’audits réalisés par des organismes agréés (les certificateurs de la bio). Il renoue avec les fondamentaux du commerce équitable : la priorité aux petits producteurs organisés avec une véritable vision de transformation sociale.