En Equateur, la région du Chimborazo est une province andine et indienne par excellence. La population du Chimborazo est constituée d’indiens Puruha, de langue quichua, qui ont jusqu’à présent conservé leur identité.
C’est l’une région les plus pauvres, très à l’écart des dynamiques de développement du pays.
Aux problématiques économiques et culturelles, s’ajoutent les questions de genre et d’inégalités hommes-femmes.
Mais les femmes, et notamment celles de la coopérative Jambi Kiwa, s’organisent et revendiquent leurs droits au sein d’une société caractérisée par des cultures patriarcales et machistes.
Exporter des infusions et des physalis aux conditions du commerce équitable est un véritable défi social pour les 50 femmes indiennes puruhaes de la coopérative.
Produits
Les produits de la coopératives
Nous, les petits producteurs, on est pris en compte pour produire, pas pour décider. On ne veut pas de projets d’appui aux pauvres petits paysans. On veut des droits de VRAIS humains.
Rosa Guaman, à l’origine de Jambi kiwa, engagée, solidaire et rebelle qui valorise la femme paysanne dans la société andine.
Partenaire depuis 2005
- Province du Chimborazo, andes équatoriennes
- La coopérative Jambi Kiwa regroupe plus de 150 femmes.
- Petits jardins de 50 à 100 m² accolés aux maisons avec plantes médicinales et physalis que vous retrouvez dans nos infusions.
- Ce projet est suivi sur le terrain par Nicolas Eberhart, agronome ETHIQUABLE, basé à Quito en Equateur
Les années de lutte
pour obtenir des droits
Pendant des siècles, la colonisation espagnole a privé les Indiens des Andes de leurs terres, les a condamnés au servage et au travail forcé dans les haciendas détenues et gérées par les grands propriétaires fonciers.
Dans la région du Chimborazo où vivent les Indiens Puruha, ce système a perduré jusqu’au XXème siècle et résisté à toute tentative de réforme.
Les indigènes y vivaient une sorte d’apartheid qui les excluait des principaux services publics (en particulier les écoles) et les traitait comme des êtres inférieurs.
Il faudra attendre les années 1960 et l’engagement historique de l’évêque de Riobamba Monseigneur Proaño aux côtés des populations autochtones pour que s’engage un premier mouvement d’émancipation.
Les communautés indiennes s’organisent et revendiquent leurs droits sur les terres où elles vivent.
Ce n’est que dans les années 1990, après des décennies de luttes et de violences sociales, que ces demandes aboutissent et qu’une partie de ce patrimoine leur est restituée.
La vie des femmes
elles assurent la pérennité de leur communauté
Les populations indigènes du Chimborazo ont récupéré certaines de leurs terres mais la pauvreté et la pression démographique et foncière sont telles que la plupart des hommes en âge de travailler quittent la région et vont dans les villes ou les grandes exploitations.
Ils partent généralement après les labours et ne reviennent au village qu’au moment de la récolte. En leur absence, ce sont les femmes qui s’occupent des terres et des quelques animaux (cochons, moutons, etc.) qui les font vivre.
C’est dans ce contexte qu’est née en 1999 l’association Jambi Kiwa avec pour objectif la création d’activités économiques nouvelles susceptibles d’enrayer la pauvreté endémique qui frappe ces familles, de réduire l’exode rural et de permettre à ces femmes de contribuer de manière sensible aux ressources de leurs communautés en valorisant leurs savoir-faire ancestraux.
Très vite, l’association de femmes s’engage dans la production et la commercialisation de plantes médicinales et d’herbes aromatiques. Activité traditionnelle des femmes, la culture de ces végétaux aux nombreuses vertus exige peu d’investissement (un petit jardin irrigué avec l’eau de consommation) et des travaux d’entretien relativement modestes pour celles qui en connaissent les secrets et se les transmettent de génération en génération.
La culture de plantes aromatiques, comme la collecte de plantes dans la nature, sont traditionnellement des activités réservées aux femmes. Il existe dans cette région une riche pharmacopée qui donne d’excellents résultats.
Une histoire de femmes
passe des marchés locaux au commerce équitable
Durant les premières années, les femmes de l’association vendent leurs mélanges savants (composés de plusieurs dizaines de plantes médicinales) sur les marchés des villages puis auprès des citadins équatoriens qui les apprécient énormément.
Forte de ses succès sur les marchés locaux, l’association décide d’améliorer et d’accroître sa production. Les plantes (dont un grand nombre sont propres à la flore andine) sont associées entre elles et cultivées en terrasses sans aucune utilisation de produits chimiques.
Le terreau est enrichi par des composts faits de résidus organiques mélangés au fumier des volailles et du petit bétail.
Des vers de terre (élevés dans des casiers adaptés) transforment ce compost en un humus de qualité. L’initiative remporte un grand succès et, pour gérer cette croissance, l’association (qui compte alors près de 400 femmes) acquiert un bâtiment, avec l’aide du diocèse de Riobamba, où sont installés un séchoir et des hachoirs adéquats.
L’organisation passe ainsi d’un mode de production artisanal à une petite industrie de fabrication de tisanes et de mélanges d’herbes destinés aux marchés locaux mais aussi aux boutiques de Quito, la capitale.
En 2004, la production atteint les 10 tonnes de plantes séchées. Une nouvelle unité de transformation est alors construite et équipée de séchoirs plus performants et de hachoirs plus modernes. C’est à ce moment-là que l’Association obtient la certification du commerce équitable et commence à exporter sa production.
QUELS SONT LES IMPACTS DU COMMERCE ÉQUITABLE POUR JAMBI KIWA ?
AU NIVEAU ÉCONOMIQUE: UN REVENU FAMILIAL SUPPLÉMENTAIRE
Grâce à la vente de plantes médicinales, les familles perçoivent un revenu mensuel moyen de 50 $, apport significatif à l’économie familiale dans un pays où le salaire minimum est de 318$. 50$, c’est également,ce que rapporte un mari ou un fils qui part à la ville pour être maçon.
Par ailleurs, le fait de pouvoir intégrer sur place une valeur ajoutée conséquente (environ 2 fois plus que le prix de vente en plante sèche) est un atout pour l’organisation et l’économie locale.
15 personnes travaillent au laboratoire de séchage et hachage des plantes. Rares sont les organisations paysannes de la région qui sont parvenues à gérer le processus de transformation et de commercialisation comme le fait Jambi Kiwa.
AU NIVEAU SOCIAL: LE MAINTIEN DE LA CULTURE INDIENNE
L’exportation via les réseaux du commerce équitable offre aux organisations paysannes une meilleure position dans les relations commerciales. Pouvoir de négociation et trésorerie maîtrisée dans le temps sont deux atouts nouveaux pour les familles indiennes du Chimborazo.
Par ailleurs, grâce aux revenus générés par cette activité, les migrations ont été limitées, favorisant ainsi le maintien des familles sur leur terre.
Ainsi, c’est tout un groupe indien, habituellement exclu de l’accès à la terre, au crédit, à l’éducation et à l’assistance technique, qui a pu développer une production valorisant son savoir-faire ancestral et se positionner sur un secteur d’exportation historiquement réservé aux grandes familles et aux grands capitaux.
L’opportunité pour les paysans du Chimborazo d’exporter leurs produits est non seulement inédite mais représente aussi un véritable défi social pour une agriculture souvent perçue par les pouvoirs publics comme «inefficace» et peu moderne.
AU NIVEAU ENVIRONNEMENTAL: MAINTIEN DES SAVOIR-FAIRE ANCESTRAUX ET DÉVELOPPEMENT DE L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE
La production de plantes médicinales et aromatiques répond à des aspirations culturelles et sociales. La pérennisation de ces savoirs ancestraux et la mise à disposition de remèdes naturels est une nécessité dans un pays marqué par un système de santé quasi inexistant en zone rurale.
La coopérative Jambi Kiwa diffuse des guides pratiques auprès des productrices. Tout un chapitre est notamment consacré à l’agriculture biologique avec le maintien d’un plan de rotation des cultures, la semence de cultures associées, la fertilisation naturelle, la conservation des sols ou bien encore l’agroforesterie.